Typologie des strophes (3/3)

Le neuvain
C'est une strophe assez rare qui se définit soit comme un sixain auquel on aurait ajouté un troisième tercet (aab,ccb,ddb), soit comme un dizain diminué d'un vers (abab,ccdcd ou abab,cdccd).
Le dizain
Son modèle est en octosyllabes sur cinq rimes. Des diverses dispositions pratiquées, c'est la forme du quatrain suivi de deux tercets qui s'est imposée. Au XVIIe siècle la forme abba,ccd,ede (sonnet français amputé d'un quatrain) était la plus usitée. Mais c'est finalement la forme abab,ccd,eed qui a survécu* : Ou plutôt, que du temps la marche soit hâtée.
Quoi donc! n'avons-nous point parmi nous ces héros
Qui chassèrent les rois de leur tombe insultée,
Que les morts ont eus pour bourreaux?
Honneur à ces vaillants que notre orgueil renomme !
Gloire à ces braves! Sparte et Rome
Jamais n'ont vu d'exploits plus beaux !
Gloire ! ils ont triomphé de ces funèbres pierres !
Ils ont brisé des os, dispersé des poussières !
Gloire! ils ont proscrit des tombeaux !


(*) Ph . Martinon conclut son chapitre sur le dizain dans une envolée lyrique : « Le quatrain est comme un piedestal qui les porte [les deux tercets] ; ou plutôt, puisqu'on compare volon-tiers la strophe à un oiseau, c'est comme le corps de la strophe au-dessus duquel se déploient les ailes symétriques. »

Le onzain
Les romantiques ont fait de rares essais en partant du dizain, soit en ajoutant au quatrain un vers supplé-mentaire, soit en triplant la rime double d'un des deux tercets. Mais sans grand succès.

Le douzain
On atteint là, avec douze octosyllabes et cinq rimes, la limite de la strophe, c'est-à-dire de ce qui peut être perçu comme un tout harmmonieux.
Différentes dispositions ont été essayées, mais c'est à Victor Hugo (toujours lui !) qu'on doit la seule formule vraiment harmonieuse, obtenue en triplant la rime double des deux tercets du dizain (abab,cccd,eeed) :
Oh ! demain, c’est la grande chose !
De quoi demain sera-t-il fait ?
L’homme aujourd’hui sème la cause,
Demain Dieu fait mûrir l’effet.
Demain, c’est l’éclair dans la voile,
C’est le nuage sur l’étoile,
C’est un traître qui se dévoile,
C’est le bélier qui bat les tours,
C’est l’astre qui change de zone,
C’est Paris qui suit Babylone ;
Demain, c’est le sapin du trône,
Aujourd’hui, c’en est le velours !